Sophie Serizier
Anne Bartel-Radic
Le rôle des entreprises, et particulièrement des multinationales face aux immenses défis du changement climatique n’est plus à démontrer. Face aux contraintes réglementaires et parfois de manière plus proactive, les entreprises intègrent ces défis dans leurs stratégies et leurs politiques de responsabilité sociale à des niveaux divers et en font un sujet de communication. La gestion internationale des ressources humaines n’est pas éloignée de ces problématiques, la mobilité internationale générant une empreinte carbone importante de par les déplacements et les déménagements des expatriés. Ce billet présente les résultats d’une enquête exploratoire menée auprès de 110 professionnels de la mobilité internationale travaillant dans 28 grandes entreprises internationales d’origine française et 10 entreprises prestataires de mobilité internationale.
Un questionnaire exploratoire auprès de 110 professionnels de la MI
Le volume de salariés en mobilité internationale dans les entreprises interrogées va de moins de 50 salariés (1%) à plus de 1000 salariés (9%), avec une majorité qui se situe entre 200 à 500 (51%) et un nombre non négligeable de 500 à 1000 (20%) et de 100 à 200 (17%). Les entreprises étudiées ont ainsi pour la majorité un secteur de mobilité internationale relativement développé. Le nombre de salariés en mobilité internationale est stable selon 60% des individus interrogés, bien qu’il diminue selon 29% d’entre eux. 68% des personnes interrogées affirment que la gestion des missions et extended business travelers ne fait pas partie de leur périmètre d’action.
Comment définiriez-vous l'action de votre service mobilité internationale sur le sujet du changement climatique ?
Concernant la prise en compte du changement climatique à travers le service MI, les résultats montrent que les équipes concernées se questionnent sur le sujet, mais seulement une minorité d’entreprises l’a intégré dans ses politiques et pratiques. Bien que seulement 9% des interrogés indiquent que l’enjeu climatique est déjà pris en compte par la MI dans leur entreprise, 65% considèrent qu’il ne constitue pas une préoccupation actuelle. La réduction des émissions de CO2 fait néanmoins partie intégrante des engagements de plusieurs entreprises, à hauteur de 67% des répondants contre 11% d’entreprises concernées par une absence d’engagement et 13% des interrogés considèrent l’engagement comme étant “à venir”. 28% des répondants indiquent également qu’une réflexion sur l’impact climatique de la mobilité internationale a émergé dans leurs services, et 26% commencent à étudier l’intégration de nouvelles pratiques dans leur gestion. Une minorité (16%) considère en revanche que le changement climatique ne sera pas pris en compte dans leurs politiques de mobilité internationale.
A quelle échéance le changement climatique sera-t-il pris en compte dans votre gestion de la MI ?
Bien que la part des interrogés indiquant que l’enjeu climatique est déjà pris en compte par la MI dans leur entreprise soit faible (11%), 31% considèrent qu’elle le sera dans les 2 ans, et 24% d’ici cinq ans – ce qui donne une prise en compte d’ici 5 ans selon 66% des personnes interrogées. En revanche, 10% voient l’intégration de politiques climatiques dans la MI à plus long terme et 16% considèrent qu’elle n’aura jamais lieu. La majorité des entreprises reste en attente de la publication des mesures à prendre, ou d’être contraintes à en mettre en œuvre. Il est à noter que 68% des interrogés n’ont pas la charge de la gestion des personnels en mission internationale de courte durée. Ce point est à relever car le volume et la fréquence des mobilités sont interrogés pour justifier de la mise en place ou non de mesures d’adaptation des politiques de mobilité internationale.
À titre personnel, souhaitez-vous voir s’adapter la gestion de la Mobilité internationale à cette problématique ?
91% des professionnels de mobilité internationale ayant répondu au questionnaire exploratoire indiquent une volonté d’engagement sur le sujet en disant « personnellement vouloir voir le métier s’adapter à cette problématique ». Pourtant, pour 65% d’entre eux, la prise en compte de l’enjeu climatique ne constitue pas une priorité bien qu’ils voient cette tendance émerger. Une majorité (66%) des interrogés estiment néanmoins que la prise en compte du changement climatique dans la stratégie n’aurait pas de conséquences sur leur gestion de la mobilité internationale.
De quoi auriez-vous besoin pour prendre en compte l’enjeu environnemental dans votre gestion de la mobilité internationale ?
32% des répondants indiquent qu’un référentiel comprenant les mesures à prendre leur permettrait de prendre en compte l’enjeu environnemental dans leur gestion de la mobilité internationale. 16% estiment qu’un benchmark avec des pairs leur serait utile. 14% indiquent avoir besoin d’outils de mesure de l’impact en GES de la mobilité internationale pour pouvoir prendre en compte le changement climatique dans la gestion de celle-ci. Enfin, 18% des interrogés ne savent pas quel élément leur permettrait d’atteindre ce but.
Les résultats du questionnaire exploratoire révèlent que, bien que les professionnels de la mobilité internationale reconnaissent l’importance des défis liés au changement climatique, leur intégration dans les politiques et pratiques des entreprises reste limitée et remise à des dates ultérieures. En dépit d’une volonté individuelle forte, la prise en compte effective de cet enjeu dans la gestion de la mobilité internationale est freinée par l’absence de priorisation et de directives claires. L’étude met ainsi en lumière la nécessité pour les entreprises de développer des stratégies avec des actions davantage structurées et des engagements concrets.